HARRAGAS
Ils se lèvent un matin
Portés par la détresse
Avec pour tout bagage
… L’espoir !
Collés, entassés, alignés,
Tels de sordides anchois
Dans ces barques construites
Pour pêcher, donner la vie
Aux ventres affamés.
Ils sont là, côte à côte,
Respirant ces odeurs
De ces corps qui transpirent
De tant d’humidité,
Sans une goutte d’eau,
Une miette de pain,
Qu’importe que de ces ventres
Sortent des bruits infâmes
De l’inexorable faim…
Leur pain quotidien.
Ils fuient cette Terre,
Devenue stérile qui désormais
N’accouche plus que…
D’infâmes morts nés.
Harraga, mon Fils
Tu n’es pas de ceux-là
A qui la faute ?
A ceux qui
Sous l’ombre des auvents,
Continuent d’amasser
D’immenses fortunes,
Alors que nos enfants,
Nos femmes, nos vieillards
Croulent sous la misère
D’une nouvelle pandémie…
……….. La Faim.
Harraga, mon Fils, tu seras
A dit la Mère Algérie
Car l’arbre trahi ne peut plus
Retenir la sève qui déborde
De ses seins trop pleins de rage,
De peine et d’impuissance.
Alors tant pis mon Fils,
Si tu pars sur le chemin
… De l’exil,
Si tu te perds au fin fond,
Du désert Australien,
Des plaines Canadiennes,
Prairies Américaines.
Tant pis si tu erres
Dans les rues de Barbès,
las Ramblas de Barcelone
Ou dans les ateliers
Où clandestins s’entassent
Pour pouvoir échapper
Aux rafles devenues
Des chasses aux clandestins
Dans ces pays nantis
Où les murs se construisent
Pour éviter de voir
Cette Afrique sordide
Pillée par ceux qui la gouvernent
Depuis des décennies.
Harraga mon Fils,
Qu’importe si mon cœur,
Saigne de mille flots,
Qu’importe si mes yeux brûlent
De mille feux !
Harraga, ma Fille,
Et toi aussi tu partiras,
La peur au ventre,
Le cœur brûlé,
Pour quelques sous,
Tu te vendras
Et mariage il y aura,
Mais sans amour,
tu survivras.
Harraga, mon Père,
Un soir d’automne,
Tu es parti,
Dans ces pateras de bois usés
Car tu m’as dit :
Bien plus douce sera la mort
Loin de la Terre où je suis né.
Dans la patera qui vous transporte,
Surtout mon Fils, ne pleure pas !
Les larmes n’effaceront pas
Cette misère galopante,
Nous le saurions bien avant toi !
Harraga, mon Fils,
Sur les flots bleus,
Imprègne-toi de ces couleurs
Que la Mer qui t’emporte
Vers d’autres cieux,
Rendent tes jours
Un peu plus heureux.
Harraga,
Loin de l’orange amère,
Du pain qui ne rassasie pas,
De l’eau qui jamais ne s’écoule
Des robinets qui sont taris.
Harraga, mon Fils,
Telle est ta force,
Dans l’amour que je t’ai donné.
Et si un jour vient la nouvelle
Que tu as franchi les écueils
Oublie ta Mère, oublie ton Père
Et cette Terre condamnée !
Chaque matin, lève la tête,
Regarde-moi, je suis très fière,
De ma prison, je te vénère,
Car les pilleurs de dignité
N’ont pu de leur main te broyer,
Car aux voleurs de liberté
Tu as pu enfin échapper !
Harraga mon Fils,
Qu’importe si mon cœur,
Saigne de mille flots,
Qu’importe si mes yeux brûlent
De mille feux !