Rénia AOUADENE est née à Marseille de parents originaires du village d’Iboulaouadene (wilaya de Bejaia) en Kabylie – Algérie.
Fille d'un militant nationaliste algérien assassiné pendant la guerre d'Algérie, elle grandit dans la banlieue marseillaise.
Elle a fait des études de Littératures et Civilisations hispano-américaines et en Sciences de l’éducation à l’Université d’Aix en Provence. Elle a séjourné comme assistante de français à Cordoue puis à Grenade et s’est passionnée pour l’histoire de l’Espagne judéo-arabo-berbère.
Très jeune, elle prend conscience des injustices qui touchent les populations issues des immigrations. Elle s’engage et milite dans le milieu associatif marseillais. Animatrice socio-culturelle ensuite formatrice, elle a monté des projets et des ateliers prenant en compte les cultures d’origine.
Enseignante en Lettres- Histoire pendant de nombreuses années dans un Lycée des Métiers, elle est aujourd’hui Professeur d’Espagnol dans le cadre de Projets européens et d’échanges avec l’Espagne.
Rénia Aouadène est une conteuse qui déclame sa poésie sur les thèmes qui lui sont chers et qui traduisent sa révolte devant l’injustice où qu’elle soit. Elle a publié des articles notamment dans la Revue Algérie Littérature Action, des nouvelles, de la poésie, du théâtre et des romans où l’on retrouve les cultures dans lesquelles elle a baigné depuis son enfance. Elle participe à des Colloques, Rencontres, Salons du livre, Festivals en France et notamment en Algérie où elle donne des conférences. Elle anime des ateliers d’écriture et intervient dans des Cafés Littéraires dans le cadre des thèmes liés à son histoire familiale, ses passions, ses combats pour faire entendre les voix de ceux et celles qui se taisent. Elle est reconnue comme faisant partie des Ecrivaines Franco-Maghrébines.
Le choix de Thanina est un roman policier puisque son personnage principal est une commissaire et qu’elle doit élucider un meurtre. Mais il est bien plus que cela. D’abord parce que l’action se déroule entre Bejaia et Marseille, deux villes que l’auteure connaît parfaitement, au début des années 2000, alors que la « décennie noire » vient à peine de se terminer en Algérie. C’est donc tout un pan tragique de l’Histoire récente qu’il nous fait revisiter, sans concession. Ensuite, parce que c’est un texte décisivement féministe, qui jette une lumière puissante sur le vécu de femmes algériennes de toutes conditions. Enfin, c’est un témoignage sensible sur l’émigration à travers plusieurs générations. Mais l’on n’aurait encore rien dit de ce texte poignant si l’on n’évoquait pas l’art de la conteuse : récits en abyme, intrigues en tiroirs dignes des Mille et Une Nuits, où le lecteur est invité à se perdre, pour se retrouver aussi dans une belle histoire d’amour…
Désir intense de te voir
Allongée sur ma couche
Je médite à ses travers de la vie
Qui nous séparent.
Frontières fermées
Couvre-feu
Loisirs interdits
Familles désunies
Amis séparés…
Je suis là
Loin de toi
Et malgré les soupirs
Je résiste
Je résiste à ce corps
Qui te réclame
Qui exige que tu le humes
Qui exige que tu le touches
Qui exige par tous les sens
Ta présence.
Je ferme les yeux
Et les images s’entrechoquent
J’essaie de rassembler
Les peines et les regrets
Les instants de bonheur
Et soudain je réalise
Je me transporte
Là où tu es
Que sais-je ?
Puisque tu n’existes pas
Juste l’objet d’un fantasme
Ou d’un souvenir
Puisque le désir
Aujourd’hui…
Jusqu’à quand
Nous sera-t-il interdit ?
Il a osé …..
Ils ont fait
Il a osé
Ils ont peur…
Tremblez ! Messieurs les nantis
Assis sur des fauteuils
Troqués à l’indépendance
Sur les sépultures des héros
D’une histoire violée
Fossoyeurs d’un peuple
Qui se voulait libre
Vous avez commis l’innommable
Pensant que comme des milliers
De femmes depuis
violées, souillées, humiliées,
… il allait se taire,
Essayer de panser ses blessures… seul
Et pourquoi pas… sombrer.
Mais il a osé
Il a hurlé sa douleur
Sa honte, son désespoir
Et devant une cour prête à le condamner
Il a levé les yeux
Et prononcé le mot…
Qu’un homme dans un pays machiste
Ne pouvait prononcer
Ils ont osé
Le public s’est tu
Hommes et femmes ont eu les yeux mouillés
La cour a baissé la tête
Un goût de vomissure sur les lèvres
Aucun d’eux ne pouvant justifier
Un acte aussi odieux
Car le peuple était bien présent
Il y a ces hommes qui depuis
Baissent la tête…
Car l’innommable est insupportable
Mais il y a ceux qui sont descendus
… Dans la rue
Et ont donc décidé de protéger
Ce jeune à peine sortie de l’adolescence
Qui a osé
Alors, peuple, osez !
Osez dire à ces pantins de l’histoire
Que le combat est dans la rue
Le combat se poursuit car
Femmes et Hommes
Sont à l’affût
Dans le silence et dans la nuit
Hommes et femmes ont décidé
De déverser soixante années
De rêves brisés, de jeunes égarés,
De meurtres impunis,
De prisonniers non-coupables,
De terroristes libérés
… et de salauds honorés
Mais ce jour-là
Il a osé
Devant une foule qui attendait
Sans savoir que l’enfant qu’il soutenait
Avait été déshonoré
Ils ont fait
Il a osé
Il est temps pour eux
D’expier !
Rénia Aouadène – 23/02/2021
COURAGE Prix de Poésie 2020
Et soudain je te vois apparaître
Sur les murs des villages et des villes
Je te contemple mais je refuse de voir
Je ne veux plus écouter, je ne voudrais
Plus parler
Je voudrais juste que l’on nous dise
« il est temps de sortir dans vos plus beaux
Apparats »
Mais rien … juste une voix qui exige de nous
Le courage
Celui de faire face à la bête immonde
Celle qui rampe, se multiplie et
Nous envahit !
Ils nous ont dit : soyez-forts !
Nous vaincrons !
Alors nous entonnons des chants
De liberté comme pour échapper
A la noirceur des jours de la peste
De Camus ou du choléra de
Garcia Marquez !
Et soudain l’angoisse me submerge
Où sont les miens, les autres et ceux
Qui errent, ces migrants entassés
Dans des camps de fortune ?
Mais rien sinon le silence des puissants
Un silence obscène sur ceux qui
Ne seront pas comptabilisés
Parmi les disparus !
Courage, vous avez dit ?
Non lâcheté d’un monde qui détourne
Les yeux devant l’injustice d’un monde
Où Dieu puissant n’est autre que l’argent !
Rénia Aouadène